Les onomatopées d'Emilie Eponyme Mysanthrope de sa Sainteté

       Je suis seule .Tellement seule .Le son de ma voix me surprends .Je suis plus habituée à entendre celle que j'utilise dans ma tête, pour penser .Le samedi soir c'est le pire moment de la semaine .Les rares personnes avec qui je suis encore en contact ici sont en soirée chez untel ou untel .Moi je suis vouée à l'éternelle soirée télé .Je tourne en rond .J'atterris souvent devant mon ordinateur puisque lui au moins continuer à me relier au reste du monde .Avant j'aurai pu passer des heures entières devant mon écran .Aujourd'hui ça s'emmerde .J'ai envie de sortir, de me faire belle pour une raison, de devenir quelqu'un au moins pour quelques heures .De me glisser dans la peau de quelqu'un d'autre que ce continuel moi qui ne me surprends plus .Je m'empate .Je m'isole .Les gens seuls n'attirent rien d'autre que la solitude .Tu as fais quoi ce week-end? « Rien de spécial ». Je n'ai rien à raconter .Pour y remédier je lis des livres, je regarde des films .Je m'instruis pour avoir l'air moins conne et je pense que j'arrive à berner la plupart des gens .Paradoxalement, je me le sens devenir de plus en plus .Conne je veux dire .Ca fait toujours mieux de dire j'ai lu du Amélie Nothomb plutôt que j'ai fais le quizz « Pourrais tu te marier avec un tiroir? » sur facebook . Ca me rassure de faire ces tests à la con .De lire que je me marierais à 23 ans et que j'appellerais ma fille Lou .Au moins je peux avoir l'illusion que ma vie future vaudra mieux que celle du moment .Je côtoie plus les filles de Desperate Housewives que les amis qui me restent .

      Je me sens tellement seule .Ca me forme un poids au dessus de la poitrine qui devient de plus en plus pesant .J'ai envie de hurler que je crève de ma solitude mais pour l'instant je n'en fais rien que me raccrocher à des gens avec qui je n'ai jamais échangé dans ma vie que trois mots mais qui sont dans mon répertoire .J'envoie quelques sms .J'en reçois en échange .Ca m'aide à oublier quelques instants .J'ai l'impression d'être coincée entre deux mondes .L'ambiance de la maison familiale devient elle aussi pensante .Si au moins je n'étais pas dans leur champ de vision en permanence ils ne pourraient se rendre compte du vide de ma vie .J'attends le moment où l'on me proposera de sortir comme le messie .Je ne suis même plus sûre de savoir encore me faire belle .

      Je m'applique à détester les gens .C'est tellement plus facile que les aimer et vouloir à tout pris les connaître .Pour qui? Pour quoi?

      Si je suis si mystérieuse, je le suis avant tout à moi même .Emilie, qui es-tu? Je suis ce que tout le monde regrette, ce que tout le monde espère, ce que tout le monde aime, ou tout ce que tout le monde déteste. Je suis l'espoir ou la paresse, je suis la colère et la joie .Je suis le toi du moi, le nous du vous .L'amie, l'ennemie, l'amour, l'adorée .Je suis la nouvelle, l'ancienne .La larme, le sourire .Je suis le coeur, ou le cerveau .Je suis l'assassine, ou la victime .Je suis, de moi à toi,  la douceur qui nous fait vivre...

      Il suffit de pas grand chose, pour faire naître l'illusion .

      J'ai juste l'impression d'etre un évier débouché ; tout ce qui passe à travers moi ne me fais plus aucun effet ; quoi que se soit ; qui que se soit ; ou que se soit. Qu'on me parle de ma beauté .

     Parfois j'aimerai te le dire ; et parfois j'aimerai te laisser deviner . Je sais prevoir la moindre de tes reactions ; je sais le mouvement de ta tete quand tu ris, et par quelle phrase tu repondrais à "comment ca va aujourd'hui?". Je sais ton parfum de glace prefere, ce que tu fais de tes soirees ; Je sais surtout que toutes ces reponses, toi aussi tu les as a mon sujet.

      Ma solitude est riche de toi .

"J'ai l'envie insolite de devenir un citron
Un citron très pressé de décompresser
Qui en met plein la vue de son acidité
A tous ceux qui abusent de sa naïveté
Un citron qui passe à l'orange et qui dit : "Stop!
Un zeste, un geste, un reste d'orgueuil mon pote."

      Je plonge dans ce vieux murmure .

      L'Amour. Avec un grand "A" .Je crois qu'à ving et un ans (j'écris vingt et un en lettres, parce qu'ainsi le temps que les gens lisent le chiffre, ils ne se rendent pas compte de ce que le vingt et un signifie réellement), je crois qu'à vingt et un ans donc, j'ai enfin besoin de l'amour .De la vivre, de le sentir grandir en moi, et de combler ce vide qui ne se nourrit pour l'instant que de solitude et d'envie pour tous ces couples qui se forment autour de moi, et qui évoluent.

      Je n'ai jamais encore été réellement avec quelqu'un, à m'investir dans une relation .Pour le moment, je n'ai jamais rien fait que profiter de mon pouvoir de séduction, de voir si j'arriverais à donner envie à telle ou telle personne .Et j'ai toujours réussi .Cela me suffisait .Dès qu'une relation devenait trop vraie, trop importante, c'était plus fort que moi .Il fallait que je coupe court .Je préférais être seule, et ne pas avoir à m'occuper en plus de gérer l'autre .

      J'aimerai trouver quelqu'un. quelqu'un avec qui regarder des films sous la couette,  serrés l'un contre lautre, se retournant de temps en temps, toujours en meme temps, pour se sourire. et pendant le film, on se tiendrait la main, on se caresserait le genou, ou les cheveux. On serrait assis le dos contre le mur, les genoux relevés, la couette par dessus, formant comme une grotte. quelqu'un avec qui jaimerai tellement passer du temps que se serait jamais assez.  J'aurai toujours envie que se soit plus, plus . Et chaque au revoir serait une dechirure, chaque retrouvaille un long baiser .

       Il m'est venue l'envie hier soir, entre la narration crue des débats amoureux de Samantha et l'accouchement de Miranda, de suivre la voie de Carrie en me mettant, moi aussi, à écrire. Je n'ai pas de Mac, je n'habite pas New York et je ne collectionne pas les chaussures. Je serai même plutôt du genre Meredith. Et pourtant.

      Ouai je suis cette fille qui ne jure que d'affronter les problèmes de pleine face pour fuir au tout dernier moment, une sorte d'antithèse vivante. Je suis lunatique, quelqu'un d'instable, qui bouge sans cesse. Un besoin permanent de changement, de recommencement, de renouveau, de nouveauté qui en agaçe plus d'un. Je vous jure par contre que je sacrifierais volontiers ma vie pour les gens que j'aime, mais pourtant je ne peux pas m'empêcher de douter de tout, de tout le monde, tout le temps, de voir le vice en tout chacun, et d'aller de déception en déception.

      J'ai sans cesse besoin de preuves d'amour pour ne pas douter, tout le temps, une sorte d'assurance, de monnaie d'échange pour me sentir aimée. J'ai besoin de savoir que je peux me raccrocher à quelqu'un, comme un banc sur lequel t'appuyer, même si trop orgueilleuse pour sortir ces mots qui vous rapent les lèvres. Je suis celle là, celle qui peut cracher à la figure tout en sachant aimer démesurément. Je ne suis faite que de blanc et de noir, plus de couleurs, et ca fait mal, le tout ou le rien. Je suis cette fille qui pleure la bouche ouverte tellement elle a l'impression de crever à chaque larme versée et qui ne s'y habitue jamais.

Alors oui j'ai besoin d'aimer plus que d'être aimée, et oui ça je sais d'où ça vient même si je veux pas l'avouer.